Si
longtemps qu'on ne l'avait vue ! Marie Rivière, vous
vous souvenez ? Cinq films avec Eric Rohmer. D'abord une figuration
dans Perceval le Gallois, pouis un vrai rôle
dans La Femme de l'aviateur. Enfin, en 1986, c'est
Le Rayon vert qui, avec une autre, eût été
un autre film. Delphine, c'est elle. Ce personnage magnifique
qui se refuse à tous pour attendre celui qu'elle sait
lui être destinée, elle l'a nourri de son doux
entêtement, de sa confiance dans le hasard, et lui a
donné sa couleur : verte comme l'espoir.
Après une apparition en arnaqueuse (pourquoi pas ?)
dans Quatre aventures de Reinette et Mirabelle, elle
devient libraire dans une petite ville de la Drôme et
marieuse par amitié opur une vigneronne (Béatrice
Romand) dans Conte d'Automne (1998). Huit ans passent.
Et voilà qu'aujourd'hui, miracle, c'est la Delphine
du Rayon vert qu'on retrouve inchangée, lumineuse,
désarmante. La Peau d'Elisa est un monologue
écrit par la Canadienne Carole Fréchette. Elisa
raconte toutes les histoires d'amour qu'elle a vécues
depuis son adoslescence. Elles les entremêle, passe
de Siegfried à Yann, de Marguerite à Edmond,
revient à Siegfried... Et c'est frais, joli, imagé.
De temps en temps, elle s'interrompt pour demander aux spectateurs
de regarder ses coudes ou ses genoux : "La peur qui
les recouvre, trouvez-vous qu'il y en a trop ou juste assez
?" Car elle a peur, Elisa. Si peur. De la peau qui
pend. De la peau en trop. Autrement dit de la vieilllesse
et de la mort, dont elle n'ose même pas prononcer les
mots. Alors, pour arrêter le temps, elle a trouvé
un moyen : raconter des histoires d'amour (...).
Elle rayonne, Marie Rivière. De jeunesse, de tendresse,
de naturel. De sa bouche, les mots coulent comme une eau fraîche.
Marie Rivière, la bien nommée.
Claude-Marie Trémois
La Peau d'Elisa
de Carole Fréchette,
jusqu'au 28 octobre
Théâtre Le Lucernaire, Paris 6ème
01 45 44 57 34