Actrice fétiche dEric Rohmer (La Femme de laviateur, Le Rayon vert) à qui elle a donné une identité spontanée et incertaine unique, Marie Rivière faisait partie du jury du 17ième Festival de courts métrages de Contis et sera bientôt à l'affiche du nouveau film de Valeria Bruni Tedeschi, Un château en Italie. Loccasion dune rencontre, au creux de ces landes qui lui vont si bien....
Êtes-vous attachée à Contis et à la région Aquitaine ?
J'étais déjà venue à Contis l'année dernière, je jouais dans le court métrage La Noyée de Mathieu Hippeau. J'aime beaucoup cette région, j'adore les Landes. C'est très enrichissant de voir autant de courts métrages. Etre dans un jury je trouve ça difficile, j'aurais tendance à vouloir récompenser tout le monde, parce que je suis consciente de la difficulté qu'il y a à réaliser un court métrage. C'est un format difficile, parce qu'il faut conclure rapidement. La fin est toujours très délicate à amener.
Vous avez récemment joué dans Memory Lane. Michael Hers, le réalisateur, semble influencé par Rohmer. Vous en aviez parlé ensemble ?
Non, pas d'emblée. C'est quelqu'un qui de toute façon parle assez peu. Il m'a présenté le personnage et le jeu qu'il voulait, un jeu assez transparent qui me correspond bien. Par la suite, nous avons parlé d'Eric Rohmer bien sûr. Un des personnages de son court Montparnasse lui a été inspiré par Delphine du Rayon vert. Ceci dit, je ne trouve pas que leurs films se ressemblent, ce n'est pas la même diction, pas le même langage. Par exemple, dans Les Rendez-vous de Paris, Rohmer choisit des lieux reconnaissables immédiatement par le spectateur tandis que dans Montparnasse, Michaël Hers va chercher derrière la tour, ce qu'on ne voit pas d'habitude.
Vous avez contacté Eric Rohmer toute jeune, en lui envoyant une lettre. Il fallait une certaine audace
En fait ça a été simple, il m'a répondu comme il répondait à tout son courrier. Même aux gens qui lui demandaient des autographes ! J'imagine que contacter un réalisateur était plus facile à cette époque enfin, je ne sais pas, je n'ai jamais écrit qu'à lui.
Vous aviez toujours voulu faire du cinéma ?
En fait, j'avais commencé une carrière dans l'Education Nationale. Je m'occupais de petits enfants, en maternelle. Mais le jour où j'ai été titularisée, j'ai paniqué. Je ne me voyais pas passer ma vie à regarder les enfants entrer et sortir de la classe, année après année. C'est là que j'ai eu la chance qu'un grand homme me réponde.
Comment s'est passée la rencontre ?
J'étais doublement intimidée, parce que je n'étais pas du milieu des comédiens et pas du tout extravertie. Rohmer aimait bien les gens qui se mettaient en scène eux-mêmes. Je rencontre donc l'entourage de Rohmer, au moment où il prépare Perceval le Gallois, Fabrice Luchini qui chante du James Brown à tue-tête dans le bureau, Arielle Dombasle, Pascale Ogier. C'était une période extraordinaire, avec beaucoup de travail, puisque Rohmer a quand même traduit tout Perceval en vers, Fabrice et lui échangeaient beaucoup à travers la poésie. Moi j'étais très timide, impressionnée par l'assurance des autres. Moi-même j'en avais mais elle s'exprimait différemment.
Vous êtes créditée non seulement comme actrice mais aussi comme scénariste sur Le Rayon Vert
Oui, après Perceval où je tenais un petit rôle, Rohmer me voyait dans un film actuel, il a fait La Femme de l'aviateur. Avec Le Rayon vert, il voulait aller plus loin, innover : il s'est dit 'Ce n'est pas moi qui vais écrire'. Alors qu'il accordait une importance folle aux dialogues. Nous sommes partis d'une trame très simple : Rohmer était impressionnée par le nombre de femmes qui passaient des petites annonces pour trouver l'amour. Donc voilà, c'est l'été, Delphine part en vacances, elle cherche l'amour. On improvisait tout au moment du tournage. Le principe c'était de filmer ma solitude, que ce soit sur mes lieux de vacances ou sur les siens (comme à Biarritz où le film se termine). C'était clair et évident entre nous, on ne se parlait pas beaucoup, on se comprenait. Dans la scène du repas, lorsque Delphine dit qu'elle ne mange pas de viande, ça aurait pu s'arrêter là. Mais pour que la scène devienne "cinématographique" au sens où Eric l'entendait , il a demandé aux personnages de me questionner afin que chacun soit contraint à défendre son point de vue sur le végétarisme et que les dialogues deviennent longs. La scène a pris l'ampleur qu'elle n'aurait peut être pas eu dans la vie, parce qu'on est filmés, donc on parle davantage, mais sans excès.
Vous présentiez récemment En compagnie d'Eric Rohmer, un très beau documentaire
J'ai tourné des moments avec Eric dans son bureau, pendant les deux dernières années de sa vie. C'est un film d'amitié. Je voulais lui rendre quelque chose de ce qu'il nous avait donné, je pense à ses acteurs, qu'il a tant portés. J'ai travaillé seule, parce que ça allait de soi : Eric n'aurait pas supporté une équipe dans le bureau en train de le filmer. Ce sont des moments de vie simples et je n'aurais jamais pu les avoir si je m'étais placée dans l'esprit d'un tournage. C'est un film amateur réalisé avec sa complicité.
Vous sentez proche de certains jeunes réalisateurs ?
J'ai beaucoup aimé Nino de Thomas Bardinet, je trouve ça léger et beau. Il a filmé avec la même caméra que moi d'ailleurs. Ce n'est pas de la HD et il est arrivé à une très belle image ! Ce qui n'est pas toujours mon cas [rires].
Les commentaires
Jean-Luc
- Le samedi 23 juin à 21h22
Oui,
"En compagnie d'Eric Rohmer" réalisé
sans filet mais avec coeur par Marie Rivière, par ailleurs
inoubliable Delphine, est un cadeau de premier choix pour tous les
fous de l'univers inventé par le créateur de "Pauline
à la plage"... J'ai découvert ce film aussi
dense que trop court au festival "Entrevues" de Belfort
(lieu où souffle l'esprit, chaque année un peu avant
noël).
Marie Rivière y avait fait une trop courte présentation,
semblant s'excuser par avance du de l'amateurisme de son film....
avant de filer prendre le train d'un autre tournage, laissant les
spectateurs aussi orphelins que médusés, bien résolus
qu'ils étaient, à l'issue de la projection de faire
une fête méritéeà celle qui venaient
de les tant combler, rire et larmes confondus.
Assurément,
"En compagnie d'Eric Rohmer" fut le plus beau moment
de ce festival qui honore les premiers films et qui aurait dû
inclure celui-ci dans sa compétition.
Eric, je prends les paris, aurait tant aimé "En compagnie
d'Eric Rohmer"
Oui, ce film mérite de sortir en salle, en DVD, que l'on
puisse le ranger tout contre "La femme de l'aviateur"
et autres "Conte d'automne".
C'est, à n'en pas douter une aventure qui ne fait que commencer...
Glyn
(UK)- Le dimanche 17 juin à 18h46
Vive Marie, vive Delphine, et vive Rohmer !
Simon - Le lundi 18 juin à 23h22
J'ai eu la chance de voir un film que Marie Rivière a réalisé sur Eric Rohmer. C'est beaucoup plus qu'un documentaire. Il y a une puissance poétique étonante dans cette libre et émouvante ballade au côté de Rohmer, comme si il lui avait légué le secret d'un style fait d'intelligence, de grace et d'hyper sensibilité ! A quand une sortie en salle ?
Kiki
Fung - Le lundi 18 juin à 4h36
great to find out about Marie's new film coming up and that she
is in a jury for short films! Marie is spontaneous and sensitive,
a life full of poetry! Her documentary on Rohmer is an intimate
tribute, saturated with love and feelings, full of spontaneity,
true to the Rohmer spirit! I was particularly touched by the scene
when Marie put the camera in her little backpack, then start galloping
enthusiastically to start shooting, the air is filled with natural
excitement and innocence, and if also a light-hearted sadness because
we knew how not long after, Rohmer left us... When THE GREEN RAY
was recently shown in Brisbane, the whole audience is captivated
and they were holding their breath at the very end, watching with
anticipation for the green ray, and for the final resolution to
Delphine's long awaited romance...